1977 - NANTES - ANCENIS : Un récit en guise de mise en garde
C'est sous les murailles du château de la Reine Anne, à Nantes, qu'a été donné le coup d'envoi de la 1ère course d'endurance sur 100 km, le 12 juin dernier...
Il y avait de quoi s'inquiéter en apprenant que le départ de cette 1ère course d'endurance aurait lieu en pleine ville de Nantes, ainsi que l'arrivée. Pourquoi avoir pris une telle initiative pour les chevaux et les cavaliers, avec les risques de bousculades, de dérapages et du chutes plus ou moins graves? Par bonheur, il ne s'est rien passé. Certes, le château de Nantes est magnifique, mais plus pour une remise solennelle des prix que pour le départ d'une course.
Premières erreurs... Au premier contrôle du Cellier, à 25 km du départ, on a pu mesurer en quelques instants le manque de maturité de cette discipline équestre en vogue depuis peu: la course d'endurance. Elle est loin de représenter encore un classique du genre, soigneusement codifié, exempt de toute critique et capable .de servir d'exemple. A l'arrivée à ce premier contrôle on a vu un peloton de dix chevaux lancés au grand galop. De la bouche même de l'un des concurrents, c'est ce rythme qui a été de règle sur toute la distance. Les plus chevronnés disaient : C'est fou. Nous ne tiendrons pas jusqu'au bout. Que s'est-il donc passé? Simplement que toute cette première étape était sur terrain plat, et que l'émulation l'a transformée en une folle course où toutes les erreurs possibles ont été accumulées. Tout d'abord, les cavaliers habitués et entraînés, qu'on pouvait d'ailleurs compter à peine sur les doigts d'une main, ont imprimé à la course un rythme démentiel. Difficile de les approuver: donner la preuve qu'ils pouvaient être des cracks était vraisemblablement une des meilleures raisons à cette vitesse excessive. La grande majorité des autres cavaliers ont pris le départ sans .avoir une idée bien pécise de ce qu'est une course d'endurance, de ce que cette épreuve exige du cheval et du cavalier. Ils n'avaient vraisemblablement suivi aucun entraînement leur permettant de déterminer à l'avance l'allure optimum pour leur cheval, ils se sont laissés influencés fortement par l'ambiance de compétition du premier parcours, saisis par la crainte d'être semés. S'ils avaient connu la suite, comme ils auraient changé d'avis ! A ce premier contrôle, au Cellier, l'énervement et l'exaltation des uns et des autres étaient évidents. Un arrêt obligatoire d'une demi-heure était prévu. On a pourtant vu des cavaliers crier des ordres, comme si le départ devait avoir lieu dans les cinq minutes. Autour des chevaux, il y avait bien trop de curieux pour que leur repos puisse être favorisé. |
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Même la brutalité De plus, l'esprit forcené de compétition avait amené quelques cavaliers à se bousculer sur un chemin trop étroit. Une jeune fille, qui avait occasionné une des bousculades, a subi des représailles physiques (mais oui !) que son .auteur, après coup, jugeait tout à "fait légitimes. La violence était donc un élément de cette course. J'ai questionné la malheureuse fille, qui n'avait rien d'un butor qui cherche à gagner en jouant des coudes: c'était. simplement une gamine en larmes, incapable de se souvenir comment les choses s'étaient passées... Il faisait froid et il pleuvait. Elle avait, sur 25 km, sans gants et avec des rênes mouillées, tenté de contenir son cheval, qui en voulait. Victime surtout de son inexpérience, elle s'est' vue disqualifiée (tant mieux pour son cheval) à la suite d'une plainte qui aurait dû suffire à son adversaire, dont la nervosité ne saurait être une excuse, surtout à son âge. La course continue... A l'arrivée à Ancenis, après 25 autres km de course, le peloton s'était déjà délesté de plusieurs cavaliers. Certains concurrents ont cru bon d'arriver au galop de charge, et en quelques secondes, ils ont ruiné les réserves d'énergie de leur monture. Un peu dépassés par les événements au premier contrôle, les vétérinaires avaient ici un peu plus de temps pour opérer. Il faut entendre par là que,l'arrivée massive au Cellier avait eu de surcroût cet inconvénient : le contrôle avait été étiré dans le temps et les mesures et les comparaisons en ont été faussées. Le départ d'Ancenis s'est effectué avec quelques minutes d'échelonnement, et au pas, tout au moins pour les leaders. Mais les jeux étaient déjà faits, car la plupart des chevaux n'avaient plus assez de réserves pour espérer aller jusqu'au bout. |
Malgré tout, l'esprit de compétition; encore fort exacerbé, subsistait. Je n'en veux pour preuve que l'arrivée au galop des concurrents de tête du 75ème km de course, au 3ème contrôle. Une hécatombe La victoire est finalement revenue à Cristel Letartre et à son mari (de Puy l'évêque, près de Cahors), ex-aequo rayonnants qui ont passé la ligne d'arrivée la main dans la main. Ils avaient couvert les 100 kilomètres, en 4h 50mn et 46 secondes. 'Mais ceci. ne dissimule pas les ravages survenus dans les rangs des concurrents : sur 29 chevaux au départ, 14 sont arrivés. C'est un résultat tout à fait médiocre, surtout pour une course sur terrain plat. On peut même aller jusqu'à se demander ce qu'il serait arrivé si ce 12 juin avait été une chaude journée ensoleillée. Sans doute aucun cheval ne serait parvenu à l'arrivée. Maintenant, il est urgent que le Comité National des Courses équestres d'endurance (qui est, je sais, attentif à tout cela) prenne le problème très sérieusement en main en édictant un règlement 'draconien qui devra être imposé à tout organisateur, sous peine de se voir refuser l'homologation de ses courses et de ses résultats. Il importe tout autant que les conseils soient diffusés, ainsi que les règles d'or, les informations et les expériences, afin que seuls les cavaliers préparés envisagent de participer à une course équestre d'endurance . Des mauvaises habitudes Sur le plan des circuits, il faut que tous les organisateurs de courses sachent qu'actuellement un circuit commençant par des parcours accidentés et même en dénivelé permettra l'échelonnement des chevaux dès les 1ers km, et à la suprématie des chevaux bien entraînés de s'affirmer. Un itinéraire plat, comme celui de Nantes est de ceux que 1'011,; pourra se permettre dans quinze ans, lorsque la majorité des cavaliers saura que la seule chance de finir et la seule probabilité de gagner, e'est de courir au pas et au trot (à la rigueur un petit canter de temps à autre) : ce sont les allures recommandées aux USA sur 50 miles (80 km), comme sur 100 miles (160 km). Dans une course sur 100 miles, aucun des chevaux de Nantes n'aurait atteint -la ligne d'arrivée! Une mauvaise habitude est à perdre aussi, le plus vite possible: les départs en groupe. Il n'est pas de prime à accorder à la stupide compétition qui a juste pour effet de miner la santé des chevaux. Il faut échelonner les départs toutes les 2 ou 3 minutes, par exemple. Cela prendra du temps? Tans pis. Ce qui compte, n'est-ce pas d'abord de permettre au maximum de chevaux de terminer l'épreuve dans une forme convenable? D'autre part, il devrait y avoir dans toute course d'endurance de ce type des liaisons radio et un vétérinaire volant. Ils étaient d'ailleurs prévus par le règlement mais n'ont pas été mis en place. |
Les contrôles vétérinaires A ceux qui ont donné pour seule consigne aux vétérinaires de la course le contrôle du rythme cardiaque (outre les tares apparentes ou cachées), je livre les quelques raisons que les vétérinaires Américains spécialisés voient dans des contrôles portant sur le pouls, la respiration et la température: une des possibilités de comparaisons plus étendues à tous les stades de la course et d'études cliniques ensuite la découverte d'anomalies (telles que celles qu'ils appellent inversions, c'est à dire lorsque le rythme respiratoire est plus élevé que le rythme .cardiaque au repos), la possibilité de détecter un début de grippe ou d'infection, en prenant la température, afin d'éviter que le cheval ne s'épuise. Ils y voient aussi le moyen de faire connaître mieux son cheval au cavalier, pour qu'il se serve de ces éléments en toute connaissance de cause à l'entraînement. Ce dernier point est jugé par les Américains comme très important, sinon on ne ferait en effet que se servir du cheval comme d'un support mobile dont l'entretien est l'affaire de spécialistes du genre garagiste... . Pour renforcer la portée et l'efficacité des contrôles, pour obliger les cavaliers à en tenir compte, il faut qu'il y ait dans les courses un ou deux contrôles volants non signalés à l'avance, avec arrêt obligatoire jusqu'à ce que le cheval ait retrouvé les rythmes respiratoires et cardiaques de 40/70 : donc, pénalisation de temps pour celui qui a trop poussé son cheval. Les problèmes posés par les courses d'endurance sont multiples, aussi cet article n'est-il qu'un avant-goût de tout ce qu'il est possible d'en dire. Vouloir ignorer toutes les difficultés qui existent, ne serait-ce pas tout simplement l'équivalent de l'engagement d'un coureur à pied dans un Marathon sans préparation? En aurait-on1.eulement l'idée ? Il est logique de dresser au plus vite la liste des mesures précises qui rendront ces épreuves capables à terme. d'améliorer la connaissance du cheval, la qualité des cavaliers, la résistance et la qualité des montures. C'est le seul moyen d'assurer à ce sport naissant un véritable avenir. Charles Danne |
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