Maquignon, Maquignonnage - Courtiers, cochers, experts - Le prix
Courtiers, cochers, experts ; le prix fait. - L'intervention des courtiers est souvent nécessaire. Le courtier, qui se recrute dans tontes les classes de la société, n'ignore rien du désir du client, de ses ressources, de ses connaissances en hippologie, et de son caractère. Il se donne comme connaisseur ami du client, mais il n'est que l'homme du marchand, auquel il a toujours affaire. A Paris, le courtier doit lutter contre un rival sérieux, le cocher de maître. Il arrive, par malheur, que certaines personnes ont une confiance absolue dans les vagues connaissances hippologiques de leurs cochers. Et ces derniers, qui sont souvent des ignorants et des fanfarons intéressés, font acheter des bêtes du type à "beau voleur" au prix fort, touchent leur commission et enrichissent rapidement le marchand peu scrupuleux. Le cocher, cependant, n'a pas intérêt às'enrosser lui-mêe ; il se borne à faire acheter trè cher un cheval passable, mais portant beau, Le courtier, en revanche, s'occupe surtout des bêtes à chagrin, qu'il vend lui-même en évitant ainsi toute responsabilité au marchand. Il perçoit sa commission puis disparaît : l'acheteur est enrossé avec une garantie illusoire et le tour est joué. Méfiez-vous des courtiers en chevaux. L'expert est, en général, un arbitre connaisseur qui doit être désintéressé. Il apprécie le cheval au point de vue du service qu'on veut imposer et fixe un prix. Il doit rester étranger aux autres discussion. L'expert met en garde l'acheteur contre les ruses des maquignons et courtiers. Il n'est pas forcément un vétérinaire. A tort ou à raison, les marchands bien cotés ne reviennent jamais sur le prix déjà fixé. Mieux encore, si le client hésite, demande à réfléchir, ils augmentent la somme à sa prochaine visite. D'ailleurs, sa fortune, sa compétence, ses préférences, sont autant d'indications pour les vendeurs. Si le client n'achète pas à la deuxième visite, la bête soigneusement mise en valeur, afin de faire croire à l'éclosion de qualités soudaines et transcendantes, celle-ci est vendue rapidement à un autre client (car il ne faut pas laisser la marchandise s'éterniser à l'écurie), souvent à un prix très inférieur au premier. Toutefois, on priera l'acheteur de dire qu'il l'aura payée très cher. Ne revoyez jamais un cheval qui vous aura tenté. Les tares et les trucs. - Aussitôt en possession d'un cheval, le maquignon s'efforce d'en connaître les défauts. C'est vite fait. Vite fait aussi d'y remédier. Pour rendre nos explications plus compréhensibles, nous diviserons le truquage en quatre parties: 1° l'apparence extérieure et le tempérament ; 2° la tête et la queue ; 3° les membres ; 4° les pieds. 1° L'apparence extérieure et le tempérament. - Le cheval est-il lymphatique et mou? Trois fois par jour, on le frottera jusqu'à l'obtention d'une telle sensibilité de l'épiderme qu'il se mette en action à la moindre apparition de la chambrière. Chaque pansage sera, d'ailleurs, agrémenté de coups de lanière aux parties les plus sensibles. Pendant la vente, au moment où le patron semblera très occupé à causer avec l'amateur, on le harcèlera sans arrêt. Si on le trotte sur la piste, un valet l'enfourchera et lui enfoncera les éperons dans le ventre pendant que le patron jouera de la chambrière. Si le bidet remue la queue, signe de faiblesse, un bon coup sur la croupe, avec le manche de la chambrière, le rappellera au sentiment commercial. Est-il trop vieux ou trop fatigué? Il sera progressivement dopé à la caféine, jusqu'à l'obtention du résultat cherché. Mais le doping étant assez dangereux, on préfère encore retrousser la peau du ventre, la percer avec une alène et frotter ces piqures à la térébenthine. Le maquignon se sert d'un procédé analogue pour obtenir du vendeur, une fois le marché conclu et la bête conduite dans son écurie, une diminution de prix. Il frotte les testicules du cheval avec de l'essence de térébenthine ; le malheureux animal, souffrant un invraisemblable martyre, rue, mord, bondit, brise tout; le valet d'écurie, jouant l'affolement, court en toute hâte prévenir le patron, lequel jure que le cheval a "le zig" menace son vendeur d'une plainte en escroquerie : c'est un pur chantage. |
Les romanichels sont passés maîtres dans le déguisement de la pousse. De temps à autre, leurs bandes s'abattent sur les marchés et raflent à bas prix tous les vieux bidets poussifs. Grâce à une merveilleuse recette, connue d'eux seuls, et dont, vainement, les maquilleurs ont tenté de surprendre le secret (on croit que c'est de la digitale, de l'eucalyptus ou du datura) ils réussissent à faire disparaître la pousse pendant huit ou dix jours. Ils se dispersent ensuite dans les campagnes où, vêtus en paysans, ils vendent leurs bêtes au prix fort. Un cheval ombrageux sera harcelé sans repos de la voix, de la chambrière et des jambes. Devant l'obstacle dont il a peur, on le divertira, on détournera son attention et, en tout cas, on déguisera ce défaut par de fortes oeillères. Les oeillères cachent également les vices de vision, qui, la plupart du temps, provoquent la rétivité. Un cheval "froid des épaules" aura été à trotté à une heure à l'avance. A-t-il la bouche dure? Un valet sera placé vers le point désigné pour le faire arrêter au signal convenu : le mors sera rude, brisé, à bascule ou muni d'une chaînette invisible, qui lui tordra la langue ou lui écrasera le palais. On aura, au préalable, enduit ce mors de miel et de sel, afin que la bête, en écumant, paraisse légère à la main. Le rein devra être court et droit ; un rein trop long ou ensellé sera déguisé par une selle haute. Il en va de même pour le dos ensellé. 2° La tête et la queue. - Les oreilles fournissent de sérieux indices sur le caractère du cheval. Pointées en avant, elles signifient mauvaise vue, peur, rabattues en arrière : envie de mordre ou de ruer. D'habiles incisions sur les muscles d'avant ou d'arrière, selon le cas, rendent les oreilles immobiles et droites. Trop longues, on les coupe à la cisaille. Si l'acheteur, par légitime curiosité, veut. y mettre la main, le cheval se cabrera, mordra, frappera des pieds de devant. Les poches qui dominent l'arcade sourcilière sont un signe de vieillesse. Il est facile de les supprimer pour quelques jours en y insufflant de l'air à l'aide d'une injection sous-cutanée. Les marques du tord-nez indiquent presque toujours un cheval vicieux ou difficile à ferrer. N'ayez pas foi dans le marchand s'il vous affirme que les cicatrices des naseaux, produites par le tord-nez, sont causées par le frottement contre le mur. Mais le truquage le plus fréquent, le plus délicat, le plus douloureux..., pour le patient, est celui des dents. L'examen des dents donne, en effet, d'excellentes indications sur l'âge d'un cheval. Le maquignon, ayant tout autant d'intérêt à vieillir un jeune cheval qu'à rajeunir un cheval trop vieux, ne se fait donc guère scrupule de lui à "travailler" les dents. Pour vieillir un cheval jeune, il faut opérer au cours de la période de remplacement des dents de lait qui s'étend de deux ans et demi a cinq ans.
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Source : Dictionnaire Larousse Agricole édition de 1922
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