Maquignon, Maquignonnage - Repérer les tares et les fraudes
En général on laisse les pinces évoluer normalement ; elles marquent la troisième année dès que celles d'adulte sont arrivées au niveau sur les deux mâchoires. Un peu après, on arrache les mitoyennes de lait qui, normalement, doivent tomber un peu avant quatre ans. Il en résulte une apparition précoce des mitoyennes d'adulte ; le poulain marque quatre ans lorsqu'il n'a guère que quarante à quarante-deux mois. Si, lorsque les mitoyennes d'adulte sont bien poussées, on arrache de même les coins de lait, les coins d'adulte sortent plus tôt et, au lieu d'être entièrement développés à cinq ans, ils le sont vers cinquante ou cinquante-quatre mois. On arrive donc à avancer la poussée des dents d'adulte et à gagner plusieurs mois et même une année par l'arrachement prématuré des dents de lait. Mais cette fraude ne peut pas échapper à un observateur attentif ; voici comment. Sur la mâchoire normale (on n'examine habituellement que l'inférieure) les six dents incisives sont régulièrement rangées en demi-cercle et leurs faces extérieures sont sur une même ligne. Sur la mâchoire d'un cheval auquel les dents de lait ont été prématurément arrachées, les dents d'adulte correspondantes sont placées en dedans de leur position normale ; leur face antérieure est donc en retrait sur celle des autres dents et forme une ligne rentrante de 2 à 3 millimètres. L'arcade dentaire forme des zigzags au lieu d'être régulièrement demi-circulaire. Les figures 9 et 10 montrent bien cette déformation. Rajeunir un vieux cheval en le contre marquant est vraiment besogne de maquignon, et il suffit d'être averti de la possibilité de cette fraude grossière pour la reconnaître et la déjouer immédiatement. La contremarque consiste à simuler un cornet dentaire externe en creusant la dent avec un burin et en noircissant. au nitrate d'argent la petite cavité ainsi formée. Il est facile de discerner cette fraude : le cornet dentaire artificiel a des bords très nets et il n'est pas entouré d'un liseré d'émail ; comme l'est toujours le cornet naturel. En outre, la forme de la table dentaire, plus ou moins triangulaire ou aplatie, indique un âge avancé, inconciliable avec la jeunesse relative que marquerait le cornet dentaire ; lorsqu'il y a une contradiction de cette nature, il faut toujours donner au cheval l'âge que comporte la forme de la table. Enfin, dans les cas où la contremarque coexiste avec la présence de l'émail central et entame celui-ci sans l'effacer entièrement, il n'y a plus aucun doute.
Le limage est une fraude qui consiste à raccourcir les dents trop longues ; banale et vulgaire, cette fraude ne peut tromper personne : les incisives limées ne sont plus en contact avec leurs correspondantes de l'autre mâchoire ; il aurait fallu, pour que le contact persiste, limer d'autant les molaires ; et si le limage est récent, il laisse sur la table dentaire des stries visibles ; enfin, puisque cette opération raccourcit l'incisive comme l'aurait fait l'usure normale, la table dentaire prend une forme qui n'a pas précisément pour résultat de rajeunir l'animal. Comme le port de la queue donne du brillant au cheval, le maquignon n'hésite pas, au moment de la montre, à lui introduire dans l'anus un morceau de gingembre ou de piment, ce qui a pour résultat de faire caracoler la bête, la queue haute. Certains chevaux ayant la queue pour ainsi dire collée sur les fesses, par suite de la trop grande tension du muscle inférieur, on coupe. tout simplement ce muscle (cheval niqueté). Le muscle supérieur, travaillant seul désormais, donne aussitôt à l'appendice naudal un port majestueux et noble, ce qui embellit notablement un animal à croupe droite. Mieux encore, certains maquignons introduisent sous la peau un petit fil d'acier qui produit le même résultat. |
3° Les membres et leurs tares. - C'est sur les membres surtout que les tares apparaissent. C'est sur les membres que les maquignons exercent plus fréquemment leur coupable industrie. Laissons de côté les poils collés ou peints sur les cicatrices des genoux couronnés (car ces poils repoussent ordinairement ou blancs ou raides) passons tout de suite aux tares proprement dites. Celles des articulations des membres (vessigons, molettes, tumeurs osseuses diverses) dénoncent la fatigue des jointures ou du squelette ; elles sont toujours une cause de dépréciation dont l'importance varie avec position de la tare, son état de développement et le degré d'impuissance, de gêne fonctionnelle qu'elle détermine. Au mot CHEVAL et à l'étude des diverses régions corporelles (genou, boulet, jarret, etc.), on trouvera la description détaillée des tares ; il suffit ici d'attirer sur elles l'attention de l'acheteur et de lui conseiller de faire toujours un examen très méthodique des membres et des pieds. Le maquignon, qui n'ignore pas que l'acheteur fera argument de la tare pour demander une réduction de prix, s'efforce à la dissimuler. Il recourt dans ce but à des artifices variés. L'examen des naseaux permet de reconnaître, s'il y a lieu, l'existence du jetage, écoulement de mucosités dues à une lésion inflammatoire des cavités nasales, du larynx, du pharynx ou de l'appareil respiratoire. Il coexiste avec la présence d'une glande dans la région de l'auge, laquelle glande est un ganglion lymphatique enflammé. Tous les chevaux qui ont du jetage et une glande ne sont pas morveux, puisqu'ils peuvent tenir ces symptômes d'une angine ou d'une pharyngite ; mais, néanmoins, ils doivent être examinés avec la plus grande attention ; l'épreuve à la malléine faite par un vétérinaire assure la certitude du diagnostic. En pressant fortement entre les doigts le premier anneau de la trachée la base du larynx, on provoque la toux. Si celle-ci est petite, sèche, quinteuse, elle dénonce la pousse; l'examen du flanc permettra de constater soubresaut ou coup de fouet, Le soubresaut est un symptôme grave traduisant la gêne de la fonction respiratoire et indiquant que le cheval est incapable de fournir un travail soutenu. On déguise momentanément les tares molles par des massages et des bains. Inutile d'ajouter qu'elles réapparaissent peu de jours après la vente. Pour les tares dures, on opère à l'aide d'un feu spécial, dit feu anglais, ou l'approche délicate et fréquente d'une plaque rougie à blanc. On ne peut s'apercevoir de l'existence des tares dures du jarret (éparvin jarde ou courbe) qu'en comparant les deux jarrets entre eux. Or, comme la grosseur des articulations est une preuve de solidité, les maquignons grossissent artificiellement celui des jarrets qui n'est pas taré, afin de les rendre tous deux bien symétriques. A cet effet, ils produisent une légère inflammation de la peau, en frappant à petits coups répétés à l'aide d'un maillet de bois. Cette inflammation produit un léger gonflement et les saillies du jarret sont ainsi amenées à une grosseur identique. Se défier de la forme, tare, au début, presque invisible mais très dangereuse, de la couronne. 4° Les pieds. - Avec de mauvais pieds, le plus beau cheval ne vaut rien ! Le trotteur, qui aura de mauvais pieds, sera toujours dans un équilibre j stable et tombera au moindre choc, au plus léger obstacle. Ses allures seront raccourcies et sa souffrance se manifestera surtout sur le pavé. C'est pour cela que les maquignons présentent toujours, en premier lieu, leurs cheval sur une piste douce, herbeuse ou sablée. Le pied ne doit être ni trop gros ni trop petit. Le pied plat ne vaut rien ; le pied à talons serrés et encastelés peut se guérir par la ferrure. Mais, outre ces défauts de forme, le pied, qui est le siège de tares spécial (bleimes, seimes, cornes fendues) ou d'affections comme le crapaud, et se trouve, par contre, l'objet de nombreux maquillages. Les affections de la sole se déguisent en y coulant de la gutta. Une corne raboteuse ou fendue sera parée par le même procédé. Un coup de badigeon, par-dessus la gutta et le tour sera joué. La corne blanche étant faible, c'est un jeu enfantin que de la teindre en noir. Un cheval souffre-t-il d'une bleime ou d'une seime, tares qui le font boiter, le maquignon lui fera une petite écorchure très apparente sur le paturon ou le talon, dira qu'il vient de se toucher en trottant ou plutôt qu'il a été atteint par son voisin, et vous suppliera d'examiner la légèreté de cette excoriation anodine. Quand il trotte un cheval boiteux, le valet boite en même temps et du même pied. S'il l'enfourche, il réagit, à chaque foulée fausse, par un mouvement contraire de la tête, qui crée une illusion, dont vous êtes presque toujours victime.
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Source : Dictionnaire Larousse Agricole édition de 1922
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